Source : Préfecture Haute-Marne
La Haute-Marne se dote d’une charte pour les projets photovoltaïques au sol dans son département.
Le département de la Haute-Marne est aujourd’hui très sollicité pour l’installation de projets photovoltaïques au sol sur des espaces agricoles ou naturels et forestiers sur son territoire.
Différents acteurs du département, tels que le conseil départemental, la préfecture, la Chambre d’Agriculture, des collectivités territoriales, le Parc national, le SDED et le CAUE, se sont réunis pour l’élaboration et la signature d’une charte permettant de fixer un cadre pour le développement des projets photovoltaïques.
Les 19 signataires de la charte se sont engagés pour un développement raisonné du photovoltaïque au sol dans le département, conciliant les enjeux de souveraineté alimentaire et de préservation de la biodiversité avec la production d’énergie renouvelable.
Signée le 1er décembre 2022 à la suite d’un an de réflexion entre les différents services de l’État et acteurs locaux, cette charte fixe une stratégie commune pour un développement cohérent et concerté du photovoltaïque au sol dans le département.
La charte de la Haute-Marne débute avec un rappel des objectifs énergétiques établis au niveau national par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), mais aussi au niveau de la Région Grand-Est via son Schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Ce dernier fixe un objectif de production d’énergie photovoltaïque d’environ 5,2 GW en 2050.
La priorité est donnée au développement du photovoltaïque en toiture ou sur des terrains artificialisés, mais la Région Grand-Est a également la volonté de soutenir les innovations tel que l’agrivoltaïsme permettant une réelle synergie entre production agricole et énergétique.
Au vu des objectifs énergétiques et de la réglementation visant à préserver les terres agricoles, naturelles et forestières de tout conflit d’usage possible entre production agricole et énergétique, les signataires de la charte ont fixé des objectifs pour un développement maîtrisé :
“• développer la production d’énergie renouvelable de façon harmonieuse en assurant la prise en compte des enjeux des territoires, en particulier ceux relevant de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers,
• définir une stratégie locale concertée pour éviter le traitement des projets au cas par cas sans réelle cohérence territoriale,
• garantir la transparence et l’équité des projets dans l’appréciation et le traitement réglementaire des demandes.”
La charte de la Haute-Marne met donc d’abord en avant des principes applicables aux projets photovoltaïques :
- Limiter la consommation de foncier naturel, agricole et forestier en favorisant les projets sur bâtiments, ombrières de parking, sites à moindre enjeu foncier ; et en proscrivant les projets sur les espaces naturels protégés, espaces forestiers et Parcs nationaux
- Préserver les caractéristiques patrimoniales et paysagères en évitant les sites protégés et en veillant à l’intégration paysagère du projet via l’annexe 1 apportée à la charte.
- Elaborer des projets concertés et bénéfiques au territoire avec des réelles retombées sur l’économie locale, au-delà des retombées fiscales
- Prévoir une remise en état des sites via des engagements écrits et des garanties financières de démantèlement
La présence de ces principes dans la charte du département de la Haute-Marne permet de garantir la préservation des enjeux agricoles et environnementaux à travers des projets impliquant l’ensemble des acteurs locaux, bénéficiant alors directement au territoire et soutenus par la population.
Pour le département de la Haute-Marne, lorsqu’un projet photovoltaïque au sol se retrouve développé sur des terres agricoles, deux cas de dérogation sont possibles.
Dans le premier cas, il s’agit d’un projet agrivoltaïque au sens de la définition apportée par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) :
“les installations agrivoltaïques « permettent de coupler une production photovoltaïque secondaire à une production agricole principale en permettant une synergie de fonctionnement démontrable. Les innovations concerneront en particulier les systèmes photovoltaïques et les outils et services de pilotage permettant d’optimiser la production électrique et la production agricole (ex: meilleur partage de la luminosité entre système photovoltaïque et cultures grâce à des structures mobiles en champs libres ou intégrées à des serres) ». »
Au-delà de cette définition, les projets agrivoltaïques doivent respecter un certain nombre de critères agricoles définis dans la charte afin de ne pas remettre en cause l’économie agricole du secteur et de l’exploitation.
L’activité agricole doit ainsi se retrouver au cœur du projet économique, la production énergétique venant en complément et apportant une plus-value à l’activité de l’exploitant.
Le projet ne doit donc pas remettre en cause le zonage du site en A ou N car l’activité agricole demeure principale et au centre du projet.
Il est tout à fait pertinent d’avoir inscrit une définition référente dans cette charte, couplée de critères priorisant ainsi les projets à vocation agricole et impactant positivement la filière agricole du département dans son ensemble.
Toutefois, on peut regretter que la charte ne présente aucune précision ou recommandation sur le design des systèmes agrivoltaïques (technologies possibles, densité, hauteur, espacement, etc).
De la même façon, la charte de la Haute-Marne n’apporte pas de précision sur la répartition du loyer pourvu pour la location de terres agricoles au profit de l’installation de panneaux solaires.
Pour autant, la problématique de spéculation foncière associée au développement des projets photovoltaïques sur terres agricoles est aujourd’hui une préoccupation majeure du monde agricole.
Le deuxième cas de dérogation porte sur les projets photovoltaïques au sol sur des terres à faible potentiel agronomique. Pour cela, le porteur de projet devra justifier d’un recours exceptionnel aux espaces agricoles en l’absence de sites dégradés exploitables.
Une démonstration de la compatibilité du projet avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sera nécessaire, en suivant la liste des conditions et critères établis dans la charte.
Une analyse de sol, dont le cahier des charges est présent en annexe de la charte, devra ainsi démontrer le faible potentiel agronomique du sol.
Des conditions de surfaces et de densité de panneaux sont également présentées. Cependant, en tant que bureau d’études en agrivoltaïsme d’élevage, nous pouvons exprimer une réserve sur ce point. En effet, une densité de 60% n’est a priori pas compatible avec une activité agricole car elle ne permet, ni une continuité du travail mécanique, ni un partage de la luminosité équilibré entre le système photovoltaïque et les cultures.
La mise en place d’un suivi des pratiques et des résultats de l’activité agricole en synergie avec le système photovoltaïque pour une durée minimale de 5 ans est une mesure très pertinente. Il aurait toutefois été intéressant de mettre en place un comité de suivi permettant de mettre en place des mesures d’amélioration dans le cas où des impacts négatifs sur la production agricole seraient constatés.
La charte du photovoltaïque au sol en Haute-Marne est donc un bel exemple de dynamiques départementales mises en place pour établir, en co-construction avec l’ensemble des acteurs locaux, les conditions d’un développement raisonné de l’agrivoltaïsme, en accord avec les enjeux du territoire.
Nous pouvons donc féliciter les signataires de cette charte qui permet ainsi de limiter les conflits d’usage, en préservant les aspects agricoles, environnementaux et patrimoniaux du département, tout en dotant les agriculteurs d’une solution de résilience de leurs exploitations et en œuvrant pour le développement des énergies renouvelables.
La charte du photovoltaïque au sol dans le département de Haute-Marne ainsi que ses annexes sont disponibles sur ce lien :
Article rédigé par Lucas Omez, Consultant en Concertation & Territoires chez DAVELE.