Analyse de la doctrine du département du Lot pour un développement maîtrisé de l’agrivoltaïsme
Considérant les besoins de la filière photovoltaïque concernant le développement de centrales au sol sur les terres agricoles, les problématiques qu’elle soulève, et le flou juridique entourant la mise en place des projets agrivoltaïques qui cherchent à y répondre, la chambre d’agriculture du Lot a pris la décision de construire un cadre au développement de tels projets sur son territoire.
Rédigée en janvier dernier, cette doctrine, précurseur du genre en France, aborde 6 thématiques correspondant aux 6 problématiques que pose l’agrivoltaïsme concernant le monde agricole :
- Implantation du projet : la doctrine impose de limiter les projets aux terres présentant les moins bons potentiels agronomiques. Il appartient alors au producteur d’énergie de fournir les preuves de la faible fertilité des terres.
Si cet aspect peut apparaitre très pertinent dans le but de protéger les meilleures terres agricoles de l’urbanisation, il pourrait également porter préjudice au développement de certains projets visant à valoriser des terres au potentiel agronomique non soupçonné mais inutilisées.
- Acceptation locale : la chambre souhaite que les projets aient un avis favorable de la part d’au moins une collectivité locale.
Cet aspect qui peut sembler secondaire est en réalité primordial pour éviter toutes tensions qui pourraient altérer le bon développement du projet, son accompagnement et sa pérennité.
- Respect des principes de l’agrivoltaïsme : il s’agit d’assurer que le projet permette le maintien ou la mise en place d’une activité agricole.
Ce point doit être justifié par la conception des infrastructures, mais aussi à travers des dispositifs assurant la garantie du maintien de l’activité agricole. Ces dispositifs comprennent une convention entre la chambre d’agriculture, l’exploitant et le producteur d’énergie pour fixer les critères d’une productivité agricole minimale, mais aussi un suivi annuel de ces indicateurs de productivité.
Cette thématique, parce qu’elle engage la définition même de l’agrivoltaïsme, apparait primordiale pour le bon développement de la filière agrivoltaïque. La mise en place d’une convention, déjà ciblée dans nos études comme étant essentielle pour l’avenir de l’agrivoltaïsme, permet d’engager l’ensemble des acteurs dans le développement d’un projet qui profite à tous.
Il reste cependant quelques points non éclaircis concernant le suivi. On peut ainsi se demander si la productivité de l’exploitation prend en compte l’apport du photovoltaïque, mais aussi où se place le seuil de productivité, et s’il concerne des objectifs de production ou des objectifs financiers. Si le photovoltaïque n’est pas compris, il est possible que sans les aides PAC liées à la surface du projet l’exploitation présente un résultat économique inférieur à la norme de référence.
Ainsi, si les exigences de la chambre concernant cette thématique sont particulièrement pertinentes, la détermination des critères de ce seuil de productivité nous semble un aspect à bien définir pour assurer la viabilité des projets.
- Retombées financières : la doctrine vise à assurer un partage équitable des ressources entre agriculture et photovoltaïque.
Ce partage passera ainsi par le versement d’un fermage modéré au propriétaire foncier des terres, fixé à maximum 30% du montant total versé par le producteur, mais aussi par le paiement des aides de la PAC autrement perdues sur la surface, et la rémunération de l’entretien du site par l’exploitant. Enfin, une contribution financière sera demandée au producteur d’énergie pour un collectif agricole de solidarité, afin de faire bénéficier le monde agricole du projet au-delà de la seule exploitation concernée.
Ce découpage n’est pas sans rappeler nos propres recommandations (PAC ENERGIE). Il permet de limiter la spéculation foncière, de garantir un certain maintien de l’activité agricole, mais aussi de redistribuer les ressources à ceux qui n’auront pas la possibilité de prendre part à un projet agrivoltaïque. Il est dommage que certaines problématiques qui pourraient bénéficier du partage financier restent en suspens. Qui a en effet des pratiques agricoles sur les parcelles du projet, du départ à la retraite de l’exploitant, du temps de travail supplémentaire généré par la centrale, ou encore de l’emploi agricole ?
- Compensations agricoles : la doctrine encourage à définir des compensations en adéquation avec le contexte et les besoins du territoire.
Cet aspect, s’il encourage les producteurs à se tourner vers la Chambre pour accompagner l’élaboration de l’EPA, nous apparait assez flou dans sa définition. Il semble logique d’adapter les compensations en fonction du contexte, mais cela signifie-t-il une absence de compensation dans le cas où le projet prouve le développement d’une nouvelle activité agricole ?
Si les thématiques de cette doctrine répondent donc très bien aux besoins actuels de l’agrivoltaïsme, on peut cependant souligner l’absence de la thématique scientifique. Etant une filière encore émergeante en France, l’agrivoltaïsme a encore besoin de générer de la connaissance pour mieux construire ses projets et cibler les avantages qu’elle pourrait apporter au monde agricole et aux problématiques environnementales et énergétiques d’aujourd’hui.
La mise en place d’un suivi des facteurs pédologiques, biologiques et climatiques sur chaque projet pourrait ainsi offrir une source de connaissance scientifiques précieuse pour l’ensemble des acteurs de la filière, et il nous semble dommage que la Chambre ne l’ait pas inclut dans sa doctrine.
En dépit de nos remarques, la publication de cette doctrine nous semble au final une excellente nouvelle pour assurer un meilleur encadrement des projets agrivoltaïques. Les thématiques dans leur ensemble sont ainsi très pertinentes pour répondre aux besoins de la filière et de tous ses acteurs, et il reste à espérer que cette initiative inspirera d’autres territoires et puisse mener à terme à la définition d’un cadre réglementaire et juridique national de l’agrivoltaïsme.
Article rédigé par Lucille NIEF