Une analyse du guide pour un agrivoltaïsme vertueux

La plateforme verte a récemment publié son guide de recommandation pour les projets agrivoltaïques. Cette démarche vise avant tout à tracer le chemin le plus vertueux possible pour les projets agrivoltaïques, afin d’anticiper et d’éviter les écueils qui pourraient venir porter préjudice à cette nouvelle filière.

On le voit, des erreurs ont déjà été faites sur les projets agrivoltaïques, en particulier en élevage, où l’ovin est une excuse commode pour construire une centrale au sol sur de la terre agricole. En tant que bureau d’étude spécialisé en élevage et accompagnant des projets ovins, nous ne pouvons que constater les difficultés et les murs que nous rencontrons pour faire valoir la pertinence des systèmes que nous construisons.

L’agriculture, un milieu de pratiques et de profils contrastés

Le groupe de travail tire en introduction un portrait un peu idéaliste de l’agriculture d’aujourd’hui, et optimiste vis à vis des politiques agricoles et certifications environnementales. Si le secteur est effectivement clé dans la protection des écosystèmes et les émissions de gaz à effet de serre, il ne faut pas oublier l’importance des destructions passées et actuelles liée aux pratiques intensives.

Le monde agricole recoupe une très grande diversité de pratiques et de territoires, qu’il est difficile d’évaluer et de faire rentrer dans des cases. De mon expérience de contrôleuse, j’ai pu constater qu’il est aujourd’hui plus facile à un grand céréalier de respecter les critères du verdissement de la PAC qu’à un petit éleveur du Bocage, qui valorise un système essentiellement fourrager. 
Il est donc essentiel que l’agrivoltaïsme offre une opportunité à toutes les filières agricoles, ce que le guide souligne de manière très claire.

Pour finir, on ne peut que tomber d’accord sur l’importance d’une vision collective de l’agrivoltaïsme, et non individuelle. La littérature internationale nous montre bien que le succès à long terme de ces projets est intimement lié à la pertinence du volet social, qui nécessite l’implication de tous les acteurs du territoire dans sa construction.

Vers une définition et une classification claire des projets agrivoltaïques

Le guide de recommandation propose ensuite de donner la définition suivante aux projets agrivoltaïques : « Couplage de deux productions solaire et agricole sur une même emprise foncière, par lequel la première peut apporter à la seconde un maintien de sa valeur économique spécifique (agricole) à partir d’un état de référence validé par un expert agréé. »

Le document propose de définir cette valeur économique spécifique sur la marge nette de l’exploitation agricole. Cette dernière serait bien sûr à comparer avec un référentiel lié au type de production et au contexte territorial. La construction de ce référentiel devrait s’accompagner de la mise en place d’un observatoire de l’agrivoltaïsme qui permettrait d’avoir une vision plus exhaustive des différents projets et des résultats agricoles.

Partant de cette définition, le guide propose ainsi de classer les projets selon 3 niveaux :

–        Classe 1 : projets synergétiques, qui permettent au minimum le maintien de la production agricole au niveau du référentiel voire qui l’augmentent.

–        Classe 2 : projets équilibrés, qui dégradent la production agricole de l’atelier dans une proportion acceptable (encore à définir), mais la compensent à l’échelle de l’exploitation.

–        Classe 3 : projets déséquilibrés, qui dégradent dans une proportion inacceptable la production agricole. Ces projets ne pourraient pas prétendre au titre agrivoltaïque.

Si ce classement apparait très pertinent, puisqu’il répond aux inquiétudes de la filière, la manière dont doit être conçu le référentiel semble un peu floue. En cas de changement de production par exemple, sur la base de quel référentiel est évalué le projet ?

Si ce dernier vise par exemple à replacer une activité d’élevage dans un contexte céréalier, la production agricole de référence est-elle la culture céréalière, ou une activité d’élevage similaire sur le même territoire ? Dans le premier cas le projet serait forcément pénalisé puisque la valeur économique d’une activité d’élevage est souvent moins importante que celle d’une culture de céréales. Cependant, s’il est bien pensé, l’élevage peut apporter des bénéfices très importants en termes de stockage de carbone, de protection des écosystèmes, de renouvellement du sol et de diversification de la production à l’échelle de l’exploitation mais aussi à l’échelle locale. Autant de bénéfices qui répondent tout à fait à la vocation environnementale et territoriale de l’agrivoltaïsme.

Une proposition exhaustive d’encadrement de la filière

À partir de ces bases, ce sont donc 15 recommandations très exhaustives que nous offre le guide de la plateforme verte, qui abordent de manière très complète les problématiques posées par l’agrivoltaïsme.

À travers ces recommandations, on peut souligner la volonté exprimée par le groupe de travail d’encourager à la création d’un cadre à la fois national et local pour l’accompagnement des projets. Ce cadre apparait de plus en plus nécessaire et urgent au vu du rythme de développement des projets, des erreurs qui ont et pourront être commises, et des disparités entre régions.

Selon le guide, ce cadre devrait passer à la fois par une évaluation des projets tant sur leur pertinence agricole, territoriale qu’environnementale, par un mécanisme de soutien pour valoriser les projets les plus vertueux, qui perdent malheureusement en compétitivité sur le plan énergétique, par l’implication de l’agriculteur, qui est encouragé à devenir lui-même le porteur de projet, mais aussi par un retour d’expérience et la constitution d’un référentiel, à travers la mise en place de suivis agronomiques.

Bien que le guide tente d’être le plus descriptif possible, la manière dont ces recommandations seront interprétées et appliquées à l’avenir est encore incertaines. Il faudra que ce cadre soit à la fois le plus rigoureux et rationnel possibletout en gardant une certaine souplesse pour ne pas pénaliser, par trop de formalisme, des projets en fin de compte vertueux mais qui auraient du mal à rentrer dans les cases. Productivité agricole, valorisation territoriale et environnement ne sont pas toujours faciles à concilier, une évaluation des projets au cas par cas, même dans un contexte réglementaire fixé, nous semble donc la démarche la plus prudente.

Enfin, bien qu’il faille encourager le développement de l’agrivoltaïsme dans toutes les filières, toutes les pratiques et tous les territoires agricoles ne permettront peut-être pas une synergie pertinente, du moins si on veut que le projet réponde à toutes les exigences en termes d’environnement, de transition énergétique, de bien-être animal, de protection des sols et d’économie agricole. Même une fois des références constituées, le cadre réglementaire devra donc très certainement être amené à évoluer encore, pour refléter l’évolution des pratiques, des technologies et des territoires. La mise en place d’un observatoire sur le long terme, suggéré par le groupe de travail, apparait donc essentielle.

Pour conclure, le travail de la plateforme verte, et de tous les organismes qui se penchent aujourd’hui sur l’agrivoltaïsme, est primordial pour assurer l’avenir de la filière agrivoltaïque. Cette dernière a le potentiel de répondre aux objectifs de la transition énergétique tout en offrant des solutions aux problématiques actuelles du monde agricole, que ce soit socialement, économiquement, environnementalement ou comme outil pour atténuer les effets du changement climatique.

Il serait donc dommage qu’elle se tire d’ores et déjà une balle dans le pied, en partant sur les mauvaises bases, et c’est pourquoi ce guide de recommandation est une base précieuse pour encadrer au mieux son développement.

Lien vers le document : laplateformeverte