LE CADRE RÉGLEMENTAIRE DE L’AGRIVOLTAISME DANS L’ÉLEVAGE
Issu du mémoire “un cahier des charges pour l’agrivoltaïque d’élevage” d’Antoine ASCARGORTA, ingénieur agronome terppa, Montpellier SupAgro (confidentiel DAVELE)
Les politiques publiques énergétiques sur le photovoltaïque
La promotion des technologies EnR s’est faite par les politiques publiques dans le monde. Ces technologies étaient à l’origine moins compétitives que la production d’énergie issue de la combustion fossile. Les gouvernements ont mis en place différentes politiques publiques incitatives pour permettre l’investissement et l’innovation dans les technologies du renouvelable. En Europe, on distingue 4 systèmes de soutien majeurs au PV (Sarasa-Maestro et al, 2013) :
- les tarifs subventionnés : contrat d’achat de l’électricité à un prix fixe, au-dessus du prix de l’électricité sur le marché, pendant une certaine période de temps ;
- les certificats verts avec systèmes de quotas : obligation des producteurs, distributeurs ou consommateurs à maintenir un quota spécifique d’EnR dans leur consommation ;
- les incitations fiscales et le soutien à l’investissement : le coût du capital est considéré comme la barrière principale au développement de l’industrie PV ;
- les appels d’offre : tarifs d’achats subventionnés accordés aux lauréats de l’appel d’offre.
Les premières politiques publiques énergétiques sur le PV ont émergé dans les années 2000 en Europe (Garcia-Alvarez et al, 2018). Les tarifs de subventionnement se sont montrés efficaces en Europe tandis que la politique des quotas est restée peu probante (Li et al, 2017). La modélisation de Garcia-Alvarez et al (2018) confirme ces résultats. Ces tarifs subventionnés ont cependant été mal gérés dans les premières années de leur mise en place. À l’image de l’Espagne (Salas & Olias, 2011) et de la France (Cointe, 2017), les tarifs subventionnés, très généreux, ont permis un déploiement exceptionnel du PV et le coût de la technologie a rapidement diminué. Les tarifs n’étaient alors plus cohérents avec le coût des installations permettant une profitabilité conséquente sans grand risque d’investissement. Ces tarifs qui visent à promouvoir l’innovation technologique ont finalement promu l’innovation dans les montages financiers qui permettent d’avoir la meilleure profitabilité (Cointe, 2016).
Autour de 2010, les gouvernements ont drastiquement réduit les tarifs ne pouvant plus supporter le paiement des subventions aux installations massives de centrales PV. Des plafonnements sur le nombre d’heures opérationnelles (Espagne, Portugal) et sur la capacité installée (France) ont été mis en place restreignant le marché. Les tarifs étaient néanmoins toujours suffisamment généreux pour encourager l’investissement mais poussaient les industriels à être plus compétitifs (Salas & Olias, 2011). Malheureusement, le manque de clarté et de discussion entre le gouvernement et les acteurs du PV sur les objectifs des politiques publiques (Cointe, 2017) ainsi que les politiques fluctuantes et incertaines ont freiné le développement du PV en entraînant des risques à l’investissement (Garcia-Alvarez et al, 2018 ; Pestana et al, 2018 ; BenGhida & BenGhida, 2019).
Hafeznia et al (2017) critiquent également la mise en place de ces politiques de subventionnement uniforme. En effet, les politiques énergétiques sont souvent adoptées et mises en place de manière identique dans chaque partie des pays régis par un état unitaire. Pourtant, le potentiel des EnR dépend fortement des conditions géographiques variables et des différents niveaux de développement. Ainsi, une politique uniforme n’aura pas la même efficience dans les différentes zones géographiques d’un pays. Il apparaît alors nécessaire aux gouvernements d’avoir à disposition un portefeuille de politiques sur les EnR permettant de mettre en place des politiques adaptées à chaque région.
L’agrivoltaïsme se positionne dans ce cadre réglementaire du déploiement du PV tout en y intégrant une activité agricole. C’est également une technologie qui nécessite des soutiens financiers pour rendre les modèles compétitifs dans sa phase d’innovation mais aussi des autorisations d’implantation sur des terres agricoles très contrôlées.
Un cadre réglementaire pour une activité agricole et industrielle : l’AGRIVOLTAÏQUE
L’agrivoltaïsme en tant que pratique agricole doit se faire sur des terres à vocations agricoles. Cependant, ces zones agricoles sont particulièrement surveillées de par le monde.
Elles sont en effet menacées par différents processus : conservation de la nature, urbanisation, besoins industriels et infrastructures, changements climatiques et changements démographiques (kroll & haase, 2010) à ceux-ci s’ajoutent l’implantation d’infrastructures pour la production d’énergie comme le photovoltaïque au sol. La disparition des terres agricoles met en danger la sécurité alimentaire. La plupart des états ayant mis en place des politiques publiques photovoltaïques interdisent ainsi l’installation de structures PV sur ces terres sauf si ces terres ont un rendement agronomique faible ou si un système dit agrophotovoltaïque est mis en place avec démonstration d’une perte de rendement agronomique faible. En France, le développement du PV en zones agricoles est proscrit par la circulaire du 18 décembre 2009 relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol, sauf si elles n’ont pas fait l’objet d’un usage agricole dans une période récente. En conséquence, ce sont les friches agricoles qui sont majoritairement mobilisées pour le PV (voir aussi aux usa, elkind, 2011).
Plusieurs gouvernements ont déjà mis en place des politiques de dissémination de la pratique de l’agrivoltaïsme par l’autorisation d’implantation de tels projets en zone agricole mais aussi par des systèmes de soutien financier.
Au japon, le ministère de l’agriculture, de la forêt et de la pêche (mafp) a publié un communiqué en 2013 visant à promouvoir le développement du « solar sharing », ce terme est défini de la façon suivante : « Une installation photovoltaïque sur des terres agricoles avec une continuité des activités agricoles » (mafp, 2018a).
Seules les installations respectant les conditions suivantes sont autorisées :
« La quantité de lumière arrivant aux plantes doit être suffisante pour permettre leur développement et la qualité des produits ne doit pas subir de détérioration significative, ce qui se traduit par des rendements qui doivent rester supérieurs à 80% de la moyenne annuelle. Par ailleurs, la hauteur des structures photovoltaïques doit être supérieure à 2 m pour laisser passer les machines agricoles » (MAFP, 2018b). Les exploitants respectant ces critères peuvent obtenir un permis de conversion temporaire de leurs terres agricoles en terrains non-agricoles. Ce permis a une durée de 3 ans renouvelables à condition que les contraintes de hauteurs des modules et de rendements soient bien respectées. Pour les vérifier, des rapports annuels sont requis par les administrations locales. Les demandeurs de ces permis doivent obligatoirement être des agriculteurs ou des sociétés agricoles. Cette durée a été allongée à 10 ans pour certaines zones agricoles (dégradées, zones urbaines ou périurbaines et en faire-valoir direct) en 2018 pour promouvoir l’agrivoltaïsme (MAFP, 2018b). Des subventions pour les projets agrivoltaïques ont également été mises en place. Dans l’UE, la France a été le premier pays à mettre en place un schéma de soutien financier pour l’agrivoltaïsme en septembre 2017. Le gouvernement français subventionne des projets innovants agrivoltaïques sur terres agricoles par l’intermédiaire des appels d’offre de la CRE. Les lauréats de l’appel d’offre obtiennent des tarifs subventionnés privilégiés. Les projets ne doivent cependant pas dépasser une capacité installée de 3 MW.
En Allemagne, le principe est similaire à la France : les tarifs subventionnés ne sont pas accessibles en zones agricoles. Néanmoins, l’implantation est toujours possible. En 2015, le Ministère de l’Économie et de l’Énergie met en place un système d’AO pour l’implantation en zones agricoles défavorisées (Ministère de l’Économie et de l’Énergie, 2015). C’est aux États fédéraux d’autoriser cette extension à leurs zones agricoles défavorisées. Cependant, il n’y a pas d’aides dédiées à l’agrivoltaïsme (Agrophotovoltaik.de. 2020).
Aux États-Unis, toutes les terres ne sont pas éligibles à l’implantation de modules PV. Certaines terres sont protégées par des servitudes de conservation empêchant l’implantation de ces structures. Concernant les soutiens, le Farm Bill de 2002 est le premier à faire mention de PV en agriculture (USDA, 2002). Ce programme prend le nom de Rural Energy for America Program en 2008 et consiste en un système de soutien financier pour la mise en place d’infrastructures d’EnR. Il accorde des subventions à l’investissement (jusqu’à 25%) ainsi que des garanties de prêt pour diminuer le risque des investisseurs. L’état du Massachusetts est le premier à mettre en place des subventions spécifiques aux systèmes PV en milieu agricole. Il s’agit d’un tarif subventionné additionnel. Il est conditionné à une capacité maximale de 2MW, une hauteur de structure d’au moins 8 pieds (2,44 m) et l’ombrage ne doit pas excéder 50% par la cause des modules. En Chine, les terres agricoles de meilleure qualité sont a priori interdites d’accès. Sur les autres, des tarifs subventionnés sont accessibles pour des projets inférieurs à 20 MW. En 2017, le Conseil d’État a cependant publié un règlement national qui précise que les terrains classés en zones « agricoles » peuvent conserver ce statut lors de la pose d’installations PV à condition que « la production agricole ne soit pas affectée » (chinalawedu.com, 2017).
Des programmes de soutien ont également été mis en place en Italie (Ministère du Développement Économique, 2003), au Vietnam, en Inde, en Corée du Sud et en Croatie (Brohm & Nguyen, 2018).
Différents travaux de recherche insistent sur l’importance du soutien à l’agrivoltaïsme en sa qualité d’activité agricole. Dans l’Union Européenne, où les gouvernements soutiennent leur agriculture par les subventions, le contrôle des subventions peut agir comme un mécanisme de contrôle sur le bon fonctionnement d’une installation agrivoltaïque pendant son cycle de vie (Schindele et al, 2020). En effet, l’agriculteur ne reçoit des subventions que si la production agricole est bien documentée et maintenue. Pourtant, l’implantation de panneaux PV fait perdre l’éligibilité de la parcelle aux aides directes de la PAC en France et en Allemagne tandis qu’au Royaume-Uni ces aides ont fortement diminué pour privilégier les agriculteurs “qui utilisent la terre avant tout pour l’agriculture” (DEFRA, 2015). Toutefois, la PAC ne semble pas être incompatible avec l’agrivoltaïsme qui maintient une activité agricole principale (Schindele, 2020). Des agriculteurs allemands ont entrepris une action légale contre la législation allemande et obtenu gain de cause en 1ère instance. Le cadre réglementaire devrait ainsi évoluer dans les années à venir.
Chen et al (2019) soutiennent également l’importance d’aider l’activité agricole tout autant que l’activité industrielle. L’agrivoltaïsme est en effet un système alliant 2 activités différentes mais étroitement liées. Elles partagent les mêmes facteurs de production et ressources humaines pour fonctionner. Pour atteindre un état optimal de fonctionnement, les 2 secteurs doivent se trouver sur un pied d’égalité, notamment économique sur la valeur qu’apportent ces 2 activités. Les chercheurs ont établi un modèle permettant d’évaluer la coordination de ces 2 systèmes au sein de l’agrivoltaïsme. En Chine, l’agriculture fonctionne encore selon un modèle agricole traditionnel tandis que l’industrie PV chinoise est particulièrement subventionnée et rayonne mondialement. Les résultats de la modélisation montrent que les indicateurs de développement des 2 systèmes ont augmenté ces 2 dernières décennies, et vont continuer d’augmenter, mais qu’il y a une différence significative sur l’ampleur des croissances. Celui de l’industrie PV excède fortement celle de l’agriculture et l’industrie PV occupe alors une position dominante dans le système APV. Les auteurs suggèrent alors de renforcer l’équilibre entre les 2 activités pour promouvoir un meilleur développement. En effet, dans le concept d’APV, l’agriculture est nécessaire à l’industrie. Si les opérations agricoles sont instables, l’industrie PV sera inévitablement affectée.
Des outils d’aides à la décision pour le déploiement de l’agrivoltaïsme
Pour éclairer les décideurs publics dans leurs politiques énergétiques, il existe différents outils d’aides à la décision permettant d’estimer les potentiels de déploiement du PV et leurs impacts. Les premiers outils portaient peu d’attention aux conflits entre les centrales PV et la production agro-forestière (dias et al, 2018). Le modèle r.green.solar, développé par Sacchelli et al (2016), permet de quantifier la production d’énergie de centrales solaires au sol et d’en évaluer les impacts socio-économiques à l’échelle nationale et régionale, cette production énergétique est alors comparée à la réduction de production agricole incidente correspondant aux cultures et rotations généralement cultivées dans la région. Calvert et Mabee (2015) proposent une méthodologie pour évaluer les compromis en termes d’utilisation de la terre entre le PV et les biocarburants dans un contexte localisé. Les facteurs à prendre en compte sont les surfaces disponibles pour chaque type d’enr et le niveau auquel les surfaces doivent être mobilisées pour atteindre le potentiel de marché, c’est à dire, le niveau de production auquel cette production est rentable, ces résultats sont à mettre en perspective avec les besoins énergétiques locaux et anticipés. Dias et Al (2018) proposent également un outil d’aide à la décision localisé en incluant le contexte politique local qui influe sur les classes de parcelles qui pourraient être mobilisées pour de la production PV. Plus spécifiquement sur l’agrivoltaïsme, Schindele et al (2020) proposent un outil permettant d’évaluer le ratio prix-performance des systèmes agrivoltaïques. Le prix consiste à faire la différence entre le coût de l’électricité par puissance produite entre l’agrivoltaïsme et une centrale au sol. Ceci correspond donc au coût de la préservation de la terre arable. la performance de l’agrivoltaïsme représente les bénéfices de la préservation de la terre agricole, le revenu annuel de la récolte sous l’agrivoltaïsme. Cet outil permet donc de sensibiliser les décideurs publics à l’agrivoltaïsme et de les aider à construire des outils de subventionnement adaptés aux besoins de l’agrivoltaïsme. Dupraz et al (2011) justifient la mise en place de l’agrivoltaïsme par le calcul du ler.
L’équipe d’Hafeznia et al (2017) propose également un cadre expérimental permettant d’évaluer et classer les régions d’un pays selon leur aptitude au PV par l’intermédiaire d’indicateurs climatiques, politiques et socio-économiques. Appliqué au cas de l’Iran, les chercheurs identifient alors certaines régions qui ne sont pas aptes au PV et des politiques adaptées à chaque autre niveau d’aptitude au PV.
L’intégration de l’agrivoltaïsme dans son contexte territorial
Il existe aujourd’hui très peu d’études sur les impacts sociaux de l’agrivoltaïsme et leur appropriation par les citoyens et les acteurs du territoires (Ketzer et al, 2019 ; Ketzer et al, 2020). Cependant la bibliographie sur les énergies renouvelables, et le PV en particulier, est riche et l’extrapolation à l’agrivoltaïsme est en partie possible.
L’appréhension des projets agrivoltaïques
L’acceptation de la communauté correspond à l’acceptation spécifique de décision d’implantation et de projets d’énergies renouvelables par les acteurs locaux, particulièrement les résidents et les autorités locales (Wüstenhagen et al, 2007). Cette acceptation sociale est bien souvent une barrière au développement (Cohen et al, 2014). L’acceptation sociale d’un projet est possible quand les aspects du projet qui diminuent le bien-être sont compensés par des aspects de bien-être croissants pour finalement laisser chaque agent au moins à un niveau de bien-être neutre et indifférent à l’exécution du projet, voire même un niveau meilleur (Scognamiglio, 2016). Pour développer un projet, il faut donc présenter un ensemble de résultats et aspects qui laisse les agents dans cette position (Cohen et al, 2014).
Les aspects du projet qui diminuent le bien-être sont :
La diminution du cône visuel, les enjeux de sécurité, le bruit, la pollution, la destruction du paysage, les changements écologiques, la diminution des valeurs de la propriété et les injustices procédurales.
Les aspects qui augmentent le bien-être sont :
Le développement économique, la sécurité de l’approvisionnement énergétique, les bénéfices écologiques, la compensation monétaire communautaire ou personnelle, le caractère distinctif du lieu et la justice procédurale (Cohen et al, 2014 ; Devine-Wright, 2011).
Il est important de souligner qu’une équipe américaine a révélé que l’acceptabilité locale des larges installations PV ne relève pas seulement d’un phénomène de « NIMBY » (Carlisle et al, 2015). Aux USA, le support n’est pas plus important pour le développement du PV au sol, dans le pays en général que dans son propre comté. Les locaux reconnaissent les bénéfices qu’ils peuvent obtenir directement de la centrale PV et supporteront les installations qui démontrent apporter ces avantages.
Ainsi, l’acceptabilité du projet ne peut se faire que par l’appropriation des enjeux par le public et les autorités locales (Ketzer et al, 2019). Cette appropriation par la participation citoyenne est également suggérée par Wolsink (2007) dans son étude du déploiement de l’énergie éolienne en Europe et notamment des pays qui ont le mieux réussi comme l’Allemagne ou le Danemark. La montée en compétence des acteurs locaux permet en outre un développement mieux approprié des projets (sur l’éolien, Wolsink, 2007). Il s’agit de construire un capital de ressources pour la connaissance et de ressources relationnelles. Ce capital est mobilisé pour une approche collaborative de développement des projets par le biais d’informations claires pour la compréhension du public et la création de réseau de professionnels et acteurs locaux. L’implantation est alors l’opportunité pour le territoire d’entamer une réflexion locale sur l’énergie (Carlisle et al, 2015).
Il semble cependant que le succès d’une technologie renouvelable dépende principalement d’un cadre réglementaire clair et de l’acceptation locale plutôt que les aspects techniques (Ketzer et al, 2019). D’après les ateliers de travail réalisés avec des citoyens par Ketzer et al (2019), l’exploitation des toits et des zones artificialisées est un pré-requis à l’acceptation de l’agrivoltaïsme.
Complémentarité Agriculture – PV optimisation économique
L’agrivoltaïsme apporte un revenu supplémentaire à l’agriculteur par la vente de l’électricité produite ou l’autoconsommation de cette énergie. L’agrivoltaïsme permettrait d’augmenter la productivité de la terre de 60 à 70% (Dupraz et al, 2011). La méthode utilisée par cette équipe est celle du ‘Land-Equivalent Ratio’ (LER) qui consiste à comparer la productivité d’une combinaison de cultures sur la même surface par rapport à de la monoculture. Ainsi, les systèmes agrivoltaïque augmenteraient de plus de 30% la valeur économique des fermes par rapport à des pratiques agricoles conventionnelles (Dinesh & Pearce, 2016). Les retombées économiques pour les filières agricoles restent encore à évaluer. L’agrivoltaïsme peut également contribuer à la création d’un réseau électrique décentralisé, hors réseau, dans les zones rurales et en voie de développement, améliorant d’autant plus la productivité agricole (Weselek et al, 2019). L’électrification de certaines zones isolées peut, en effet, être un coût important pour les pouvoirs publics, de même que l’import d’électricité (Pestana et al, 2018).
Maintien de l’activité agricole par complément de revenu et multifonctionnalité du foncier agricole
L’installation de PV sur les terres agricoles pourrait également être un moyen de lutter contre l’étalement urbain. Dans la métropole de phoenix aux USA, Majumdar et Pasqualetti (2017) estiment que le revenu de l’agriculteur issu de la vente d’électricité équivaudrait au prix de revente de la terre en 2 ans dans un cas de forte pression foncière. Le prix du foncier agricole serait alors compétitif par rapport au prix du foncier urbanisable. La vocation agricole des sols concurrencerait alors la vocation résidentielle. On peut néanmoins craindre des effets de spéculation sur la terre agricole. L’accessibilité à la terre agricole pourrait être plus chère en zone périurbaine mais aussi en zone rurale si la référence du prix du foncier est celle de la terre sous agrivoltaïsme.
Les impacts environnementaux de l’agrivoltaïsme : l’empreinte carbone de l’agrivoltaïsme
Pour comprendre l’empreinte carbone des installations PV, il faut regarder son cycle de vie en intégralité : fabrication des éléments constitutifs de la centrale, leur acheminement jusqu’au site d’installation, la mise en place de la centrale, l’exploitation et la maintenance de la centrale, le démantèlement de la centrale et la gestion des déchets produits après le démantèlement. On réalise ce qu’on appelle une analyse du cycle de vie (acv).
Les technologies solaires PV actuellement commercialisées n’utilisent pas de terres rares (MTES, 2020). La fabrication reste néanmoins le poste majeur d’émissions de GES. À titre d’information, 90 % des émissions totales de la centrale proviennent de la fabrication des éléments constitutifs de la centrale selon l’ACV du projet agrivoltaïque de Lebreil (commanditée par Eco Solution Energie et Photosol).
Le démantèlement des installations, s’il est bien réalisé, ne pose pas de difficultés particulières (MTES, 2020). De plus, la directive 2012/19/UE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques a étendu le champ de la responsabilité du producteur aux panneaux PV. La France a transposé cette réglementation en droit français par le décret 2014/928. En conséquence, les metteurs sur le marché doivent assurer le financement de la gestion de leurs équipements usagés et de leur recyclage. Les producteurs d’énergie recyclent les panneaux PV grâce à l’entreprise PV CYCLE. Il s’agit de l’éco-organisme agréé par les pouvoirs publics pour la gestion des panneaux photovoltaïques usagés, 177 points d’apports volontaires existent désormais, permettant un recyclage à 95 % des panneaux photovoltaïque (MTES, 2020).
En France, l’ADEME a évalué le facteur d’émission relatif à l’électricité photovoltaïque à 56 gCO2e par kWh (bilans-ges.ademe.fr, s. d.).
Les ACV comparent finalement l’empreinte carbone de la production électrique de la centrale PV avec les autres énergies. On peut la voir selon deux points de vue. Premièrement, on peut dire que les émissions évitées sur le temps de vie de la centrale (30 ans pour le projet de Lebreil) par rapport au mix électrique moyen compensent l’impact de la centrale. Ainsi, l’ACV du projet de Lebreil évalue les émissions à 1496 tCO2e/an contre 3328 tCO2e/an avec le mix électrique français moyen en 2018. Ce sont donc 1832 tCO2e évitées par an. L’impact du projet est de 44 880 tCO2e sur ses 30 ans d’exploitation mais il en évite 54 960. Deuxièmement, on peut estimer que le projet devrait se rapprocher de la neutralité carbone plutôt que de seulement éviter une production plus polluante. Les plantations de haies et la préservation d’une prairie permettent de séquestrer une partie de ces émissions. Dans le cadre d’un projet d’agrivoltaïque d’élevage, il faut également prendre en compte les émissions de GES causées par l’élevage. L’Inn-ovin estime ainsi que les émissions brutes de GES sont en moyenne équivalentes à 15 kg eq. CO2/kg de viande vive tandis que les prairies compensent entre 30% et 100% des émissions de GES d’un élevage ovin (Idele & Interbev, 2014).
Impacts sur la biodiversité
Concernant les impacts directs, la végétation est généralement supprimée et les sols sont nivelés pour les installations au sol. Fluri (2009) , Cameron et al (2012) ont montré que la stratégie de localiser les centrales sur les terrains où les impacts environnementaux sont relativement faibles est une stratégie faisable. Ainsi, une planification efficace, évitant ces zones, peut subvenir aux objectifs fixés par un pays comme l’Afrique du Sud (Fluri, 2009). Les tentatives de translocation des populations menacées se sont quant à elles montrées peu efficaces (Hernandez et al, 2014). De plus, la plupart de ces mesures de compensations sont chères et visent souvent une unique espèce, ne garantissant pas les bénéfices aux autres espèces que l’espèce ciblée prodiguait.
Pendant la phase d’exploitation de la centrale, 2 points majeurs ont un impact non négligeable sur la biodiversité (Pointereau et al, 2009) :
- Les clôtures fragmentent l’espace en excluant une surface importante d’un seul tenant et constituent une barrière pour la faune (grande ou petite, notamment les mammifères) ;
- Les surfaces de panneaux réfléchissants créent un effet de miroitement, de reflets et de formation de lumière polarisée. Ces effets impacteraient les oiseaux et les insectes qui pourraient être désorientés ou attirés.
En outre, des éléments toxiques pour l’environnement peuvent également être utilisés pour l’entretien de la centrale comme des suppresseurs de poussières, des agents antirouille, antigel et des herbicides (Hernandez et al, 2014).
Au Royaume-Uni, des études sur le terrain ont pu montrer que les centrales solaires peuvent permettre de conduire à une plus grande biodiversité pour différents types de gestions (types de semences, pâturages/fauches, utilisation d’herbicides,…) par rapport à une parcelle en agriculture conventionnelle dans un même contexte (Montag et al, 2016). On observe une plus grande diversité d’oiseaux et parfois une plus grande abondance. Un fait notable est la présence accrue d’espèces en déclin. Ce déclin est souvent attribué à des pratiques agricoles intensives. Le constat est similaire concernant les plantes à larges feuilles, les herbacées et les invertébrés (spécifiquement papillons et bourdons). On observe cependant un niveau d’activité moins élevé des chauves-souris dans les fermes solaires probablement due à la présence de surfaces réfléchissantes. Des études restent néanmoins à conduire sur ce fait. Le niveau de bénéfice est cependant fortement dépendant de la gestion du site. Les sites avec la plus forte valeur de biodiversité ont été semés avec un mélange de diverses semences une fois la construction terminée, un usage limité d’herbicides, une provision de bons habitats marginaux pour la faune et l’utilisation de régime de fauche ou de pâture de conservation. L’outil d’aide à la décision SPIES (Solar Park Impacts on Ecosystem Services) développé par Randle-Boggis et al. (2020) propose d’évaluer les impacts de la mise en place de stratégies de gestions sur les services écosystémiques sur une centrale solaire. Il permet aussi de déterminer quelles stratégies de gestion sont à mobiliser pour améliorer un certain service écosystémique.
Ces études ont néanmoins été réalisées sur des centrales au sol. Concernant l’agrivoltaïque d’élevage, Kormann et al (2015) ont montré que le pâturage réduit la richesse et l’abondance des espèces. C’est notamment le sur-pâturage et le piétinement qui sont en cause. Des études expérimentales restent à mener sur des projets agrivoltaïques d’élevage.
Consommation et utilisation d’eau
L’énergie PV a un faible taux d’utilisation de l’eau (0,02 m3/MWh), pour le nettoyage des panneaux et la suppression de la poussière lorsque celle-ci est problématique (Fthenakis, 2010). Cependant, le développement de centrales au sol dans les régions à contrainte en eau peut entrer en conflit avec les autres activités humaines (usage domestique, agriculture,..).
Érosion du sol
La construction de l’installation (enlèvement de la végétation, nivellement du sol, compaction du sol, construction de voies carrossables) augmente l’érosion du sol par le vent et l’eau (hernandez et al, 2014). L’érosion du sol entraîne une diminution de la disponibilité des ressources, peut entraîner des pertes de biodiversité et gêner la reprise de la végétation.
Santé humaine et qualité de l’air
Le développement de ces installations de grande ampleur peut entraîner des dangers pour les populations : la libération de pathogènes du sol, l’augmentation de la teneur en matières particulaires dans l’air, la diminution de la visibilité pour les conducteurs sur les routes voisines et la contamination des réservoirs d’eau (Hernandez et al, 2014). La décontamination des composants des cellules PV est également un enjeu puisqu’ils contiennent des matériaux toxiques (Fthenakis, 2000). Ceux-ci peuvent être recyclés. Cette étape est obligatoire en France et prise en charge par le producteur d’énergie (transitionsenergies.com, 2020).
Impacts écologiques des lignes de transmissions et corridors
La production d’énergie PV nécessite la transmission de l’électricité produite aux bassins de consommations. La construction des lignes de transmissions peuvent avoir des effets à court et long terme sur la biodiversité : déplacement de la faune, suppression du couvert végétal et dégradation des habitats (Hernandez et al, 2014).
Changement d’utilisation du sol
Quand l’utilisation du sol change, du carbone peut être relâché dans l’atmosphère ; par exemple quand la strate végétale ou du sol est enlevée ou quand le sol est perturbé (Hernandez et al, 2014).
L’impact paysager de l’agrivoltaïsme
Le paysage est transformé par le déploiement des enr et notamment du pv et la perception esthétique des installations est identifiée comme un enjeu majeur de ce déploiement (Ketzer et al, 2020). C’est évidemment aussi le cas pour l’agrivoltaïsme car la production d’énergie prend place dans un environnement naturel – mais aussi un paysage culturel avec une valeur touristique – et non plus dans des zones industrielles (Ketzer et al, 2019). Le modèle des centrales PV est aujourd’hui très énergie-centré selon Scognamiglio (2016). La chercheuse propose un nouveau cadre conceptuel pour atténuer les effets des installations sur le paysage et les services écosystémiques. Il s’agit de travailler sur l’implantation de chaque panneau – leur hauteur, leur espacement et la vision de leur ensemble – plutôt que d’avoir un patch uniforme et dense d’implantation des panneaux (Scognamiglio, 2016). Concernant la perception de la centrale, il n’existe que peu de travaux scientifiques sur le PV et le paysage. Ce type de travail doit passer par l’analyse de la perception citoyenne, un paysage étant déterminé par l’appropriation que s’en font les êtres vivants. Le premier travail publié dans le monde à ce sujet est celui de Ketzer et al en 2019. Les groupes de travail réalisés avec les citoyens allemands d’un projet d’agrivoltaïsme montrent que l’enjeu du paysage est primordial. La transformation d’un paysage culturel en un paysage caractérisé par des éléments industriels pourrait engendrer un rejet public et dévaloriser l’attractivité touristique.
Article rédigé par Antoine ASCARGORTA